Réunion publique Communs de Nargoat à Querrien : l’envers du décor

Le 16 février dernier a eu lieu, en notre absence, une réunion à Querrien sur la procédure SAFER concernant l’attribution de la ferme de Nargoat. Les absents ayant toujours tort, cette réunion a été pour le moins monochrome. Ci-dessous, quelques nuances…

Absence

D’abord, un petit mot d’excuse auprès des personnes qui s’étaient déplacées pour s’informer sur les Communs de Nargoat. Nous étions partis sur l’organisation d’une réunion avec les habitants curieux de la commune, dans une petite salle. Nous avions accepté la participation de Mr Guillemot (représentant l’autre projet intéressé par Nargoat), à la demande expresse de la municipalité. Cependant, la gendarmerie nous a informés en début de semaine d’un fort risque de débordements. Nous avons reçu des menaces. Très peu pour nous : dans ces conditions, nous avons décidé d’annuler notre réunion.

Une réunion publique à l’image de la procédure SAFER

Tout le monde aura pu constater qu’en réalité, cette réunion maintenue, malgré notre retrait, a été animée par M. Hervé Le Saint, président du comité technique SAFER du Finistère, vice-président de la SAFER Bretagne et vice-président de la FDSEA. Il était accompagné de M. Sophie Enizan, de la Chambre d’agriculture. Ce qui pose crûment, à notre avis, la question de la neutralité de la SAFER dans notre procédure.

Somme toute, la situation est représentative de la façon dont nous avons vécu nos passages en commission SAFER : pression des syndicats majoritaires, présentation du projet orientée, sinon accessoire, inconsistance juridique des raisons qui poussent la SAFER à disqualifier les Communs (« Nous avions des doutes… » (M. Le Saint, cité par Ouest France, 18 fév.) Voilà un code de la route bien flou).

Respect des institutions

Le message asséné, lors de cette réunion, par le représentant de la SAFER, est le suivant : en interpellant les citoyens et les élus, à travers une pétition adressée à la DRAAF, nous ne respecterions pas les institutions.

Rappelons d’abord que la SAFER est une société privée à but non lucratif, ayant, entre autres, les missions de service public suivantes : protéger les terres agricoles, favoriser l’installation de jeunes agriculteurs, participer à la protection de l’environnement. L’institution qui contrôle le respect de ces missions s’appelle la DRAAF.

Les décisions de la SAFER sont-elles contestables ? Oui, et elles le sont régulièrement, y compris par la Cour des Comptes, qui dénonçait en 2014 l’emprise de la FNSEA sur cet organisme et l’absence de transparence dans son fonctionnement – ce que nous constatons toujours en 2022.

Lorsqu’il y a contestation de la SAFER, la DRAAF est-elle souvent interpelée par les élus ? Oui aussi ; ses fonctionnaires y sont fort habitués, de leur aveu.

La DRAAF a-t-elle subi une pression particulière concernant les Communs de Nargoat ? C’est l’opinion de M. Le Saint, qui parle de « pressions très fortes et sans précédent en Bretagne ». Pourtant, nous avons fait attention, jusqu’à présent, à ne pas médiatiser cette affaire, malgré de nombreuses sollicitations.

En faisant des généralités sur le respect des institutions, ce représentant de la SAFER évite surtout, à notre avis, d’aborder le fond : pourquoi tant de citoyens, tant d’élus et tant d’associations ont-ils cru bon de protester à la DRAAF à notre sujet ? On se doute que ce n’est pas pour le sport.

Les raisons de la contestation

Sur Nargoat, on assiste à un tour de passe-passe qui est un secret de Polichinelle dans le milieu : un agrandissement qui se fait passer pour une installation. Dans le cas de M. Guillemot, une ferme de 150 ha qui va devenir une ferme de 200 ha, grâce au fils, salarié dans l’exploitation du père, que l’on détache opportunément « en installation » sur la nouvelle ferme. Pour justifier l’installation, le fils succède au père aux manettes de la nouvelle exploitation ainsi créée, en association avec sa mère. Ce jeu de chaises musicales est tout à fait légal.

Admettons que l’on puisse appeler cela une installation. Le fils s’installe, le père quitte l’exploitation, résultat : zéro installation nette d’agriculteur et une exploitation de 200 ha au final. A comparer avec l’installation de deux jeunes, qui sont actuellement sans terres, sur le projet des Communs. 

La Région organise en ce moment même des États Généraux de l’installation agricole. Avec un mantra : il est urgent de faciliter les installations et de les privilégier sur les agrandissements.

En dénonçant ce décalage entre les paroles et les actes, les élus qui ont protesté à la DRAAF sur notre dossier sont dans leur rôle (avis personnel : ils sont très en-deça de ce qu’ils devraient entreprendre s’ils veulent relever le défi du renouvellement agricole).

Deux projets différents

Sur le fond, dans sa présentation, M. Le Saint escamote plusieurs autres points essentiels.

Le projet de M. Guillemot est un projet privé. C’est tout à fait respectable, mais cela n’a rien à voir avec le projet des Communs de Nargoat, qui est un projet structuré autour d’une SCIC (Société Coopérative d’Intérêt Collectif). Dans une SCIC, tout citoyen intéressé peut devenir sociétaire et participer à la gouvernance. Par ailleurs, une SCIC réinvesti obligatoirement une majorité de ses bénéfices dans son projet. C’est un projet d’intérêt général, comme son nom l’indique.

Les Communs proposent deux installations agricoles initiales, quatre à terme, plus trois autres emplois sur la ferme inclusive et l’accueil.

D’un côté, un projet privé, peu d’emplois. De l’autre, un projet de territoire, plusieurs emplois.

SCI citoyenne

Il y a eu de nombreuses interrogations sur la SCI Courte Échelle.

Qu’est-ce donc que la SCI Courte Echelle ? Une SCI citoyenne, créée en 2020 avec l’accompagnement de l’association Terre de Liens. Il s’agit d’une société foncière dont les buts statutaires sont de participer à la transition agricole locale, d’aider à l’installation de jeunes agriculteurs en leur évitant de s’endetter sur le foncier. 

Quelqu’un qui place 1000 € sur un livret A finance majoritairement, souvent sans le savoir, de l’immobilier en région parisienne. Quelqu’un qui place 1000 € à la SCI Courte Echelle finance de l’installation agroécologique sur le Pays de Lorient.

La SCI compte actuellement 400 sociétaires : tous des citoyens du Pays de Lorient (Lorient Agglomération, Blavet Bellevue Océan Communauté et Quimperlé Communauté) qui veulent aider des paysans en installation. Vous pouvez y participer aussi.

Cette SCI pouvait-elle être une inconnue à la SAFER ? Permettez-nous d’en douter. La SAFER lui a déjà attribué deux terrains, l’un au Kerguer, Lanester, l’autre à la ferme du Bio Resto, Ploemeur.

Subventions

Les Communs de Nargoat marchent-ils à l’argent public ? Avouons : oui, en partie ! Nos agriculteurs sont en installation, donc ils peuvent toucher une DJA (dotation jeunes agriculteurs). Il y a 23 hectares en surface agricole utile, donc ils peuvent toucher la PAC. Ils seront en agroécologie, donc ils peuvent toucher des MAEC (Mesures agroenvironnementales et Climatiques). Pour la réduction des pesticides, c’est la subvention FranceAgriMer. On s’intéresse à la transformation, on pourrait certainement demander le Pass Agri Filière.

Et caetera. Notre concurrent est logé exactement à la même enseigne. L’agriculture est subventionnée, ce n’est pas un scoop, mais un choix politique.

Sur un projet tel que le nôtre, on pourrait également solliciter des fonds de développement rural, par exemple sur l’activité agritourisme. Ou répondre à des appels à manifestation d’intérêt tel que celui sur les Fabriques de Territoire.

Mais ces lignes budgétaires n’ont pas été créées spécialement pour les Communs de Nargoat. Elles sont déjà votées, les fonds sont déjà prélevés chez les contribuables : cet argent sera dépensé de toute façon, qu’on le veuille ou non.

La bonne question est donc la suivante : est-ce qu’on préfère que cet argent soit investi à Querrien, ou plutôt à Bannalec ? Chez nous, ou à Trifouillis-les-Oies ?

Pour le reste, les Communs de Nargoat sont une entreprise agricole, avec les contraintes de toute entreprise agricole.

Historique

Le projet des Communs de Nargoat a été lancé en février 2020, à un moment où le propriétaire de la ferme, Marc Girard, était encore vivant. Nous avons développé le projet avec l’aide des plus proches voisins du terrain. Le pré-projet a été présenté au maire de Querrien en septembre 2020. En octobre 2020, le technicien de la SAFER, M. Berguerie, nous a rédigé une proposition de promesse de vente pour M. Girard. Les discussions avec celui-ci étaient très laborieuses ; hélas, il est brutalement mort en février 2021.

La SAFER nous a alors proposé un achat par substitution : il s’agit d’un achat de gré à gré entre les héritiers de M. Girard et nous, avec la SAFER en intermédiaire, exactement comme une agence immobilière (à ceci près que cette opération prive la commune des droits de mutation habituels). Néanmoins, un agriculteur de la commune a été plus vite que la SAFER chez le notaire. Il sera ensuite préempté par un second agriculteur de la commune : M. Guillemot, avec qui nous sommes actuellement en concurrence sur l’attribution.

L’objectif des Communs de Nargoat

Notre objectif est d’installer une ferme collective en agroécologie, il s’agira d’une ferme de production fonctionnant en synergie avec le riche écosystème qui se situe le long de l’Ellé. Nous y ajoutons une activité de sensibilisation à l’agroécologie. 

Ce projet ramène de l’emploi, du chiffre d’affaires, des enfants et des nouvelles vocations sur le territoire. Nous avons également des chercheurs qui s’intéressent au projet. Nous souhaitons travailler à la relocalisation de l’alimentation, à la diversification des productions et à un modèle agricole moins dépendant des coûts de l’énergie et de la dette. C’est une question de sécurité alimentaire à moyen terme, compte tenu des crises qui s’annoncent.

Pas si fous, comme objectifs…

Nous l’envisageons comme un projet agricole d’intérêt général, dédié à l’agroécologie.

Les Communs de Nargoat sont un projet issu de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS). Nous participons aux réseaux Fab’lim (recherche-action-innovation), Tiers-lieux nourriciers, Inpact (Initiatives pour une agriculture citoyenne et territoriale), Forêts en Devenir.

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