Communs de Nargoat, l’enquête de Médiapart

Les tribulations du projet à la SAFER ont fait l’objet d’une enquête de Médiapart, publiée le 10 août (accès intégral ici).

Notez les explications alambiquées de M. Hervé le Saint, vice-président de la SAFER et trésorier de la FNSEA : on comprend qu’il ait préféré refiler la patate chaude à la DRAAF.

Selon lui, la SAFER n’aurait « pas obtenu de réponse satisfaisante sur la vraie qualité agricole du projet« . Ah bon ? Ce n’était pas l’avis de la DRAAF. Je cite le courrier de M. Stoumboff, directeur de la DRAAF, en date du 14 mars 2022 : « A l’issue de ces entretiens approfondis, je considère que les deux projets concurrents présentent chacun un intérêt réel, et sont tous les deux viables et pertinents« . Et de rajouter : « les réserves qui ont pu être émises à l’encontre du projet porté par les Communs de Nargoat en ce qui concerne sa pérennité ne résistent pas à un examen détaillé de ses modalités« .

Le message de M. Le Saint aux politiques est en tout cas sans ambiguïté :  » Il y a un moment où ça suffit. Si l’on met des contraintes supplémentaires dans nos missions, il y aura davantage de contournements ». Au moins, c’est clair.

Communs de Nargoat : quelles suites ?

Comment la FDSEA, la SAFER et la DRAAF ont travaillé de concert pour privilégier un agrandissement en conventionnel, plutôt qu’une ferme collective en agroécologie, malgré les discours sur l’installation et la transition agricole : retour sur le parcours des Communs de Nargoat à la SAFER.

Vous verrez, c’est édifiant :

  • Première commission SAFER (21/09/2021) : notre dossier pour obtenir la ferme de Nargoat est rejeté en comité technique départemental. Motif (officiel) du rejet : les agriculteurs du projet seraient en location. Motif probable plus prosaïque : notre concurrent est encarté à la FDSEA.
    Argument oiseux cependant, puisqu’en France, 60% des agriculteurs en fermage, donc locataires. Nous contestons derechef ;

  • Seconde commission SAFER (20/10/2021) :  le bureau régional de la SAFER suit la décision départementale, malgré l’intervention en commission, en notre faveur, de deux élus de la Région Bretagne, dont Arnaud Lecuyer, vice-président à l’agriculture. Argument toujours aussi oiseux, néanmoins. Nous contestons à nouveau, sollicitons les élus. La Région et le Ministère de l’agriculture lui-même demandent à la DRAAF et à la FNSAFER de réétudier cette attribution « en y intégrant les enjeux environnementaux sur ce territoire« .

    La SAFER Bretagne va garder ce complet désaveu en travers de la gorge. On va bien voir qui est le patron…

  • Troisième commission SAFER (24/11/2021) : le dossier des Communs de Nargoat est rediscuté en « comité directeur ». C’est-à-dire à huis clos, entre directeurs départementaux de la SAFER. Ben oui, pourquoi pas ? C’est tellement plus simple sans opposition.

  • Quatrième commission SAFER (15/12/2021) : le dossier des Communs de Nargoat est à nouveau rejeté par le conseil d’administration de la SAFER. On change d’argument : la SAFER ne veut pas attribuer Nargoat à une SCI mais directement aux agriculteurs. Alors que nous avions demandé par écrit, justement, une attribution aux agriculteurs (la SCI Courte Echelle n’étant qu’un apporteur de capitaux citoyens). Bref… L’argumentation est accessoire : ils s’en battent les steaks. Ce n’est pas le sujet.

    À ce moment (07/01/2022), nous lançons une pétition qui reçoit un vaste soutien (600 citoyens, de nombreux élus de la Région et du coin, une trentaine d’associations et de syndicats…).

  • Intermède (16/02/2022) : Hervé le Saint, vice-président de la SAFER Bretagne et trésorier de la FDSEA (c’est un détail), accompagné par une soixantaine de membres locaux de la fédé, s’invite à une réunion publique à Querrien, pour dénoncer ce manque patent de respect des autorités/des lois de la part des Communs de Nargoat et répandre diverses insinuations/menaces. C’est la séquence gros bras et intimidation (qui a hélas bien fonctionnée) ;

  • Cinquième tour (3/3/2022) : La SAFER, sentant la patate chaude au vu de notre pétition, botte en touche et demande à la DRAAF de trancher. Rappelons que la DRAAF est la tutelle de la SAFER : c’est un service de la Préfecture. Nous serons reçus 4 heures par le directeur de la DRAAF en personne, assisté du directeur de la SAFER Bretagne, à Rennes.

    La DRAAF ne reprend pas les arguments de la SAFER : c’est dire la solidité de ceux-ci. Elle rejette notre dossier avec un nouvel argument, tout nouveau, tout beau : à la date de la dernière commission, nos porteurs de projet n’avaient pas tout à fait fini leur parcours d’installation. Parbleu ! Comment diable la SAFER n’y avait-elle pas pensé avant ? Ca nous aurait évité quatre commissions.

    C’est qu’en général, dans les procédures d’attribution SAFER, il suffit aux porteurs de projet d’avoir sérieusement entamé le parcours d’installation agricole. On peut être « en cours de formation« . Ce qui était le cas de nos porteurs de projet : ils ont complété leur parcours entre la 4e commission et la réunion à la DRAAF. Mais c’était également le cas… de notre concurrent. Il a juste fini un peu avant nos porteurs de projet (du moins, c’est ce qu’on est priés de croire).

    Il y avait pourtant des arguments autrement plus valables au regard du schéma directeur agricole (SDREA) et de la politique régionale pour départager les deux dossiers :
    • Deux installations au minimum versus une ;
    • Installation de jeunes sans terre versus agrandissement de 150 à 173 hectares (pour la DRAAF, ceci n’est pas un agrandissement. Est considéré comme agrandissement, je cite le directeur de la DRAAF, une ferme qui passe à 500 ha…)
    • Lancement de deux nouvelles activités, versus « consolidation » d’une exploitation déjà ancienne réalisant 184 300 €/an (avec un indice de développement économique supérieur à 60 000 euros par salarié)
    • bassin versant en ZNIEFF (Zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique) travaillé en agroécologie versus extension d’une zone d’épandage ;
    • projet bio versus projet conventionnel.

      Tout cela est bien sur complètement accessoire, vous en conviendrez.
  • Sixième tour : y’a pas ! Notre concurrent s’est immédiatement installé à Nargoat. De ce côté, les choses sont d’une fluidité remarquable.

    En revanche, pour ce qui est de produire un argument juridique officiel sur lequel nous pourrions nous appuyer pour formuler un recours, repassez l’année prochaine. La SAFER vous prie d’attendre que la vente à notre concurrent soit effective, c’est la règle, vous savez, l’administration, tout ça. Ca peut durer six mois, un an, ou plus, quel besoin de savoir, après tout ? Voilà voila. On a attendu bien sagement jusqu’à aujourd’hui.

Appelons un chat un chat. La SAFER et la DRAAF ont fait le choix de protéger le pré-carré de la FDSEA : la distribution des terres agricoles. Il fallait surtout montrer aux élus qu’ils n’avaient pas leur mot à dire sur les questions agricoles, sous couvert du principe d’indépendance de la SAFER. Laquelle est une indépendance toute relative.

Cette attribution se fait via une interprétation à géométrie variable des missions de la SAFER sur l’installation ou l’environnement – missions qui sont là pour faire joli sur le site de la SAFER et sur lesquelles, bien entendu, il n’y a jamais d’objectifs chiffrés. Pensez donc ! On risquerait d’avoir des comptes à rendre.

La gouvernance de la SAFER est déjà un gros problème en soi. Mais avec l’absolution complaisante de la DRAAF, on passe dans un autre registre. Est-ce qu’on peut raisonnablement fermer notre gueule ?

Ce serait, il nous semble, un bien mauvais service à rendre à tous ceux qui luttent – non pas seulement pour l’agroécologie en Bretagne, mais aussi et surtout pour une procédure d’attribution juste, transparente et honnête. Simple question démocratique.

La suite au prochain épisode…

*PS : Que chacun.e vote en son âme et conscience. Tout ce que nous pouvons dire, c’est que sur le sujet Nargoat, nous avons pu éprouver les limites du ni-ni des députés En Marche en Bretagne. Le discours tenu est généralement qu’il faut de la place pour tout le monde, agriculture conventionnelle et agriculture paysanne – ils le disent sans rire à des gens qui viennent de se faire virer. C’est un discours d’invisibilisation de la domination brutale et sans partage opérée par les syndicats majoritaires. Il serait temps de reprendre les clefs du camion…

Communs de Nargoat : des nouvelles de la pétition


Notre pétition a en partie porté ses fruits. Nous protestions contre une décision d’attribution de la SAFER : l’installation-agrandissement d’un fils d’agriculteur en conventionnel, en bovin viande, sur une ferme familiale qui passerait, avec une telle attribution, de 150 à 200 ha. Quant à notre projet Communs de Nargoat, il propose d’installer deux agriculteurs (quatre à terme) en polyculture élevage agroécologique, sur les 53 ha de la ferme de Nargoat.

Merci Cette pétition a été signée par 600 personnes, une trentaine d’associations et de nombreuses personnalités politiques. Merci. Votre soutien est d’autant plus précieux que nous savons avoir eu les signatures de personnes concernées et engagées.

Quel résultat ? La DRAAF a entendu notre protestation. Elle a donc souhaité recevoir les deux projets concurrents, afin de se faire son propre avis. C’est sans doute rare de se voir offrir une telle opportunité. Notons qu’en nous recevant, la DRAAF reconnait de facto la faiblesse juridique du choix opéré par la SAFER. Elle ne se serait pas fatiguée à nous recevoir, sinon.

🐱 Appelons un chat, un chat Nous avons été reçus à la DRAAF jeudi dernier. Cette entrevue a été l’occasion d’expliquer notre projet de vive voix. Curiosité : pour la DRAAF, le projet concurrent (une ferme qui passerait, si attribution de Nargoat, de 150 à 200 ha) « n’est pas un agrandissement ». La DRAAF réserve apparemment le mot « agrandissement » aux projets de plus de 500 ha. Rappelons que la taille moyenne des fermes en France est de 67 ha.

Qui veut 100% de rabiot ? Il n’en reste pas moins que notre projet installe deux fois plus d’agriculteurs que le projet concurrent (quatre fois plus à terme). Si on faisait ainsi 100% d’augmentation sur chacune des installations, le problème du remplacement des générations d’agriculteurs serait probablement moins prégnant.

Argument, pertes et profits Nous ne savons toujours pas quel argument juridiquement valable la SAFER nous oppose pour refuser notre dossier. La SAFER indique juste qu’elle a eu « des doutes » sur le fonctionnement de la SCI citoyenne avec qui nous avions pris langue pour un portage éventuel du foncier. Depuis un an qu’elle instruit notre dossier, la SAFER a minutieusement consigné tous les commentaires de notre page Facebook. Mais en revanche, elle n’a pas jugé opportun de contacter, ne serait-ce qu’une fois, la SCI en question.

On lui donnerait le bon Dieu sans confession… Notre pétition a généré des
« pressions très fortes et sans précédent en Bretagne » sur la DRAAF, selon le mot de Mr Le Saint (Ouest France, 18 février). Mr Le Saint est président du comité technique de la SAFER Finistère. A ce titre, il est le principal responsable des décisions de la SAFER nous concernant. Sa prise de parole invisibilise bien entendu l’autre pression : celle de Mr Le Saint, par ailleurs vice-président de la SAFER Bretagne. Et incidemment vice-président de la FDSEA Finistère. C’est peut-être un détail pour vous…

Et voici sa méthode. Le 16 février à Querrien, Mr Le Saint s’est invité en personne sur une de nos réunions associatives, pour protester contre notre pétition. 80 agriculteurs des environs l’accompagnaient ; la gendarmerie nous avait mis en garde contre un risque de débordements. Dans le même temps, nous faisions l’objet de menaces conduisant l’un d’entre nous à jeter l’éponge. La réunion (qui s’est finalement tenue sans nous) a été l’occasion pour Mr Le Saint de dire et laisser dire un certain nombre d’inexactitudes et de rumeurs sur notre projet (« est-ce bien financé par de l’argent légal ? » « C’est un projet financé à grands coups d’argent public »). Ce qui est plutôt curieux en termes de neutralité.

Notre homme a affirmé au passage que non, décidemment, les gens se méprenaient sur le pouvoir de la FDSEA à la SAFER. Plus c’est gros, plus ça passe…

L’environnem… Le quoi ? Les élus de la Région Bretagne, ainsi que le Ministère, avaient instamment demandé à la DRAAF et à la SAFER de réévaluer les deux projets à la lueur de leurs engagements environnementaux respectifs. Peine perdue : il n’en a absolument pas été question ni à la SAFER, ni à la DRAAF.

Ainsi, sont notamment passés sous silence le fait qu’un projet soit en conventionnel et vise entre autres à une extension des capacités d’épandage, tandis que l’autre est en bio (sur un bassin versant en ZNIEFF/Natura 2000) ; que notre projet comporte un important volet d’écologie forestière (il y a 32 ha de forêt à Nargoat), ce qui n’est pas le cas du projet concurrent.

« Le danger, c’est de créer un précédent », selon Mr Le Saint (Le Télégramme, 18 février). On aimerait bien savoir de quel précédent il parle ici, même si on a une petite idée.
En tout cas, s’il s’agit de créer un précédent permettant d’accorder les paroles et les actes sur l’installation agricole ; d’obtenir des raisons juridiques claires dans les refus SAFER ; de la transparence dans les procédures ; de moins (voire pas) d’intimidation de la part des syndicats majoritaires ; de plus de prise en compte de la mission « protection de l’environnement » de la SAFER, nous serons heureux d’apporter notre pierre à l’édifice.

Sujet emblématique Pour de nombreux signataires de notre pétition, vous nous l’avez dit, cette procédure concernant les Communs de Nargoat est emblématique. Quelques syndicats hégémoniques font la pluie et le beau temps sur l’attribution des terres : tout le monde le sait. Quand leurs décisions sont contestées, ces syndicats font de l’intimidation : c’est hélas habituel également. La loi du plus fort, plutôt que la loi tout court.
La question est de savoir si nos élus laissent ad vitam aeternam un blanc-seing à un tel groupe d’intérêts.

Et la suite ? Nous attendons la décision de la DRAAF. Notre dossier est attentivement suivi par un certain nombre d’acteurs, ainsi que par plusieurs médias nationaux.
Pas trop d’illusions : c’est le petit pot de terre contre le très gros pot de fer. Lequel n’est pas particulièrement connu pour sa bienveillance.
Mais nous ne sommes pas complètement seuls, grâce à vous. Wait and see…

C’est bon pour le karma Vous pouvez adhérer à l’association qui porte le projet Communs de Nargoat ici. Ca peut nous aider pour la suite. Adhésion à partir de 1 € symbolique,

Réunion publique Communs de Nargoat à Querrien : l’envers du décor

Le 16 février dernier a eu lieu, en notre absence, une réunion à Querrien sur la procédure SAFER concernant l’attribution de la ferme de Nargoat. Les absents ayant toujours tort, cette réunion a été pour le moins monochrome. Ci-dessous, quelques nuances…

Absence

D’abord, un petit mot d’excuse auprès des personnes qui s’étaient déplacées pour s’informer sur les Communs de Nargoat. Nous étions partis sur l’organisation d’une réunion avec les habitants curieux de la commune, dans une petite salle. Nous avions accepté la participation de Mr Guillemot (représentant l’autre projet intéressé par Nargoat), à la demande expresse de la municipalité. Cependant, la gendarmerie nous a informés en début de semaine d’un fort risque de débordements. Nous avons reçu des menaces. Très peu pour nous : dans ces conditions, nous avons décidé d’annuler notre réunion.

Une réunion publique à l’image de la procédure SAFER

Tout le monde aura pu constater qu’en réalité, cette réunion maintenue, malgré notre retrait, a été animée par M. Hervé Le Saint, président du comité technique SAFER du Finistère, vice-président de la SAFER Bretagne et vice-président de la FDSEA. Il était accompagné de M. Sophie Enizan, de la Chambre d’agriculture. Ce qui pose crûment, à notre avis, la question de la neutralité de la SAFER dans notre procédure.

Somme toute, la situation est représentative de la façon dont nous avons vécu nos passages en commission SAFER : pression des syndicats majoritaires, présentation du projet orientée, sinon accessoire, inconsistance juridique des raisons qui poussent la SAFER à disqualifier les Communs (« Nous avions des doutes… » (M. Le Saint, cité par Ouest France, 18 fév.) Voilà un code de la route bien flou).

Respect des institutions

Le message asséné, lors de cette réunion, par le représentant de la SAFER, est le suivant : en interpellant les citoyens et les élus, à travers une pétition adressée à la DRAAF, nous ne respecterions pas les institutions.

Rappelons d’abord que la SAFER est une société privée à but non lucratif, ayant, entre autres, les missions de service public suivantes : protéger les terres agricoles, favoriser l’installation de jeunes agriculteurs, participer à la protection de l’environnement. L’institution qui contrôle le respect de ces missions s’appelle la DRAAF.

Les décisions de la SAFER sont-elles contestables ? Oui, et elles le sont régulièrement, y compris par la Cour des Comptes, qui dénonçait en 2014 l’emprise de la FNSEA sur cet organisme et l’absence de transparence dans son fonctionnement – ce que nous constatons toujours en 2022.

Lorsqu’il y a contestation de la SAFER, la DRAAF est-elle souvent interpelée par les élus ? Oui aussi ; ses fonctionnaires y sont fort habitués, de leur aveu.

La DRAAF a-t-elle subi une pression particulière concernant les Communs de Nargoat ? C’est l’opinion de M. Le Saint, qui parle de « pressions très fortes et sans précédent en Bretagne ». Pourtant, nous avons fait attention, jusqu’à présent, à ne pas médiatiser cette affaire, malgré de nombreuses sollicitations.

En faisant des généralités sur le respect des institutions, ce représentant de la SAFER évite surtout, à notre avis, d’aborder le fond : pourquoi tant de citoyens, tant d’élus et tant d’associations ont-ils cru bon de protester à la DRAAF à notre sujet ? On se doute que ce n’est pas pour le sport.

Les raisons de la contestation

Sur Nargoat, on assiste à un tour de passe-passe qui est un secret de Polichinelle dans le milieu : un agrandissement qui se fait passer pour une installation. Dans le cas de M. Guillemot, une ferme de 150 ha qui va devenir une ferme de 200 ha, grâce au fils, salarié dans l’exploitation du père, que l’on détache opportunément « en installation » sur la nouvelle ferme. Pour justifier l’installation, le fils succède au père aux manettes de la nouvelle exploitation ainsi créée, en association avec sa mère. Ce jeu de chaises musicales est tout à fait légal.

Admettons que l’on puisse appeler cela une installation. Le fils s’installe, le père quitte l’exploitation, résultat : zéro installation nette d’agriculteur et une exploitation de 200 ha au final. A comparer avec l’installation de deux jeunes, qui sont actuellement sans terres, sur le projet des Communs. 

La Région organise en ce moment même des États Généraux de l’installation agricole. Avec un mantra : il est urgent de faciliter les installations et de les privilégier sur les agrandissements.

En dénonçant ce décalage entre les paroles et les actes, les élus qui ont protesté à la DRAAF sur notre dossier sont dans leur rôle (avis personnel : ils sont très en-deça de ce qu’ils devraient entreprendre s’ils veulent relever le défi du renouvellement agricole).

Deux projets différents

Sur le fond, dans sa présentation, M. Le Saint escamote plusieurs autres points essentiels.

Le projet de M. Guillemot est un projet privé. C’est tout à fait respectable, mais cela n’a rien à voir avec le projet des Communs de Nargoat, qui est un projet structuré autour d’une SCIC (Société Coopérative d’Intérêt Collectif). Dans une SCIC, tout citoyen intéressé peut devenir sociétaire et participer à la gouvernance. Par ailleurs, une SCIC réinvesti obligatoirement une majorité de ses bénéfices dans son projet. C’est un projet d’intérêt général, comme son nom l’indique.

Les Communs proposent deux installations agricoles initiales, quatre à terme, plus trois autres emplois sur la ferme inclusive et l’accueil.

D’un côté, un projet privé, peu d’emplois. De l’autre, un projet de territoire, plusieurs emplois.

SCI citoyenne

Il y a eu de nombreuses interrogations sur la SCI Courte Échelle.

Qu’est-ce donc que la SCI Courte Echelle ? Une SCI citoyenne, créée en 2020 avec l’accompagnement de l’association Terre de Liens. Il s’agit d’une société foncière dont les buts statutaires sont de participer à la transition agricole locale, d’aider à l’installation de jeunes agriculteurs en leur évitant de s’endetter sur le foncier. 

Quelqu’un qui place 1000 € sur un livret A finance majoritairement, souvent sans le savoir, de l’immobilier en région parisienne. Quelqu’un qui place 1000 € à la SCI Courte Echelle finance de l’installation agroécologique sur le Pays de Lorient.

La SCI compte actuellement 400 sociétaires : tous des citoyens du Pays de Lorient (Lorient Agglomération, Blavet Bellevue Océan Communauté et Quimperlé Communauté) qui veulent aider des paysans en installation. Vous pouvez y participer aussi.

Cette SCI pouvait-elle être une inconnue à la SAFER ? Permettez-nous d’en douter. La SAFER lui a déjà attribué deux terrains, l’un au Kerguer, Lanester, l’autre à la ferme du Bio Resto, Ploemeur.

Subventions

Les Communs de Nargoat marchent-ils à l’argent public ? Avouons : oui, en partie ! Nos agriculteurs sont en installation, donc ils peuvent toucher une DJA (dotation jeunes agriculteurs). Il y a 23 hectares en surface agricole utile, donc ils peuvent toucher la PAC. Ils seront en agroécologie, donc ils peuvent toucher des MAEC (Mesures agroenvironnementales et Climatiques). Pour la réduction des pesticides, c’est la subvention FranceAgriMer. On s’intéresse à la transformation, on pourrait certainement demander le Pass Agri Filière.

Et caetera. Notre concurrent est logé exactement à la même enseigne. L’agriculture est subventionnée, ce n’est pas un scoop, mais un choix politique.

Sur un projet tel que le nôtre, on pourrait également solliciter des fonds de développement rural, par exemple sur l’activité agritourisme. Ou répondre à des appels à manifestation d’intérêt tel que celui sur les Fabriques de Territoire.

Mais ces lignes budgétaires n’ont pas été créées spécialement pour les Communs de Nargoat. Elles sont déjà votées, les fonds sont déjà prélevés chez les contribuables : cet argent sera dépensé de toute façon, qu’on le veuille ou non.

La bonne question est donc la suivante : est-ce qu’on préfère que cet argent soit investi à Querrien, ou plutôt à Bannalec ? Chez nous, ou à Trifouillis-les-Oies ?

Pour le reste, les Communs de Nargoat sont une entreprise agricole, avec les contraintes de toute entreprise agricole.

Historique

Le projet des Communs de Nargoat a été lancé en février 2020, à un moment où le propriétaire de la ferme, Marc Girard, était encore vivant. Nous avons développé le projet avec l’aide des plus proches voisins du terrain. Le pré-projet a été présenté au maire de Querrien en septembre 2020. En octobre 2020, le technicien de la SAFER, M. Berguerie, nous a rédigé une proposition de promesse de vente pour M. Girard. Les discussions avec celui-ci étaient très laborieuses ; hélas, il est brutalement mort en février 2021.

La SAFER nous a alors proposé un achat par substitution : il s’agit d’un achat de gré à gré entre les héritiers de M. Girard et nous, avec la SAFER en intermédiaire, exactement comme une agence immobilière (à ceci près que cette opération prive la commune des droits de mutation habituels). Néanmoins, un agriculteur de la commune a été plus vite que la SAFER chez le notaire. Il sera ensuite préempté par un second agriculteur de la commune : M. Guillemot, avec qui nous sommes actuellement en concurrence sur l’attribution.

L’objectif des Communs de Nargoat

Notre objectif est d’installer une ferme collective en agroécologie, il s’agira d’une ferme de production fonctionnant en synergie avec le riche écosystème qui se situe le long de l’Ellé. Nous y ajoutons une activité de sensibilisation à l’agroécologie. 

Ce projet ramène de l’emploi, du chiffre d’affaires, des enfants et des nouvelles vocations sur le territoire. Nous avons également des chercheurs qui s’intéressent au projet. Nous souhaitons travailler à la relocalisation de l’alimentation, à la diversification des productions et à un modèle agricole moins dépendant des coûts de l’énergie et de la dette. C’est une question de sécurité alimentaire à moyen terme, compte tenu des crises qui s’annoncent.

Pas si fous, comme objectifs…

Nous l’envisageons comme un projet agricole d’intérêt général, dédié à l’agroécologie.

Les Communs de Nargoat sont un projet issu de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS). Nous participons aux réseaux Fab’lim (recherche-action-innovation), Tiers-lieux nourriciers, Inpact (Initiatives pour une agriculture citoyenne et territoriale), Forêts en Devenir.

Pour en savoir plus, critiquer, proposer, participer…
Adhérez à notre association. Bienvenue !

La SAFER contre l’installation des Communs de Nargoat

Le Conseil d’administration de la Safer s’est positionné le 15 décembre dernier contre l’installation, sur la commune de Querrien, du projet collectif de tiers-lieu agroécologique Communs de Nargoat. Il lui préfère la confortation d’un agriculteur en place.

Si cette orientation est validée par la DRAAF, ce candidat retenu par la Safer prendra la place de son père sur une exploitation familiale de dimension déjà importante (150 ha). Il n’y aura donc pas de création d’emploi agricole.
Vu les enjeux du renouvellement des génération, vu les discours de la profession agricole et des élus en faveur de l’installation, cette attribution Safer est incompréhensible. Les Communs de Nargoat proposaient l’installation de deux jeunes agriculteurs (Elodie et Alexandre), ainsi que la confortation d’un troisième (Gildas).

Ce sont bien les syndicats majoritaires qui ont pesé de tout leur poids à la Safer pour faire la pluie et le beau temps.

Nous ne baissons nullement les bras : au contraire ! Nous en sommes à notre quatrième avis négatif de la SAFER, et si nous en sommes là, c’est que les motivations de ce choix par la SAFER n’ont convaincu personne.

Les décisions de la Safer étant sous le contrôle de l’Etat, nous envisageons d’interpeler le Préfet, en dénonçant le désengagement de l’Etat au profit de la profession agricole. Nous préparons, en parallèle, la médiatisation de ce sujet fondamental.

Une mobilisation est en cours, n’hésitez pas à nous contacter à l’adresse du site.